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Une séance de « musicothérapie » improvisée aux fenêtres de la résidence Saint-Philibert à Dijon /Photo DR Société française de musicothérapie. Crédits : Latifa Messaoudi – Radio France
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Des émotions par procuration
L’horizon du plaisir ne se limite donc pas aux quelques albums qui se trouvent dans nos logements de confinés. Même s’il faut avouer que ceux qui replongent dans leurs vieilles collections partent avec un sérieux avantage. « Le plaisir musical est intimement lié au contexte d’écoute », abonde Hervé Platel. En clair : un morceau que l’on a écouté à un moment heureux de notre vie a la faculté de nous faire revivre des émotions agréables par procuration.
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Les résidents de l’Ehpad pouvaient suivre le concert avec le texte des chansons. /Photo DR Société française de musicothérapie• Crédits : Latifa Messaoudi – Radio France
Ces super-pouvoirs de la musique, le psychothérapeute Patrick Berthelon les connaît par cœur. Enceinte sous le bras, lui et sa femme attendent que les derniers résidents apparaissent aux fenêtre de l’Ehpad Saint-Philibert, à Dijon. Ce vendredi après midi, 32e jour de confinement, ils animent bénévolement une séance de « musicothérapie ». Restrictions sanitaires obligent, c’est depuis leur balcon que les retraités vont pousser la chansonnette.
Edith Piaf, Joe Dassin, Serge Lama… Un mini concert, 45 minutes de chaque côté de la cour pour que tout le monde puisse en profiter. Les soignants ont préparé les paroles des chansons sur une feuille A4, police de caractère grande taille. Les visages se relâchent, les sourires apparaissent à mesure que les premières notes résonnent, certains tapent dans leurs mains et respirent à nouveau. « C’est comme si on cassait les cloisons de leur chambre », s’enthousiasme Patrick Berthelon.
Réduction de l’anxiété, de l’agitation, des symptômes dépressifs…
Habituellement, cet ancien organiste de jazz intervient au cas par cas dans les Ehpad. Une activité salariée durant laquelle il élabore des playlists conçues sur-mesure pour aider les personnes âgées atteintes de maladies neurodégénératives. Plus que jamais, le confinement rend ces moments nécessaires, selon lui. Alors il essaye de s’adapter, improvise des concerts aux fenêtres et envoie ses clés USB remplies de musique par la Poste.
“Chez les malades d’Alzheimer, la musique et le chant constituent des supports thérapeutiques intéressants pour la régulation de l’humeur”, abonde Hervé Platel dans un article publiée en 2014 par la revue Neurologies. Réduction de l’agitation, de l’anxiété, des symptômes dépressifs… Des bienfaits précieux quand les résidents en Ehpad ne peuvent plus voir ni ami ni famille.
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Chaque résident profite du concert depuis sa fenêtre à la résidence Saint-Philibert, à Dijon. /Photo DR Société française de musicothérapie• Crédits : Latifa Messaoudi – Radio France
La musique permet aussi de créer du lien entre résidents et soignants. Même lorsque les capacités verbales sont totalement détériorée. “Les mélodies ont cette faculté d’exprimer l’indicible…”, aime rappeler Patrick Berthelon. Il suffit de quelques notes qui évoquent une jeunesse passée pour permettre aux malades de renouer avec leur identité. “Et donc de sortir de l’isolement”, conclut le psychothérapeute.
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